ADEPME
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Rédigé par La rédaction / 03 Fév 2025 à 16:24
Afrofeeling: L'ADEPME, créée en 2001, se positionne désormais comme l'agence d'exécution de référence pour l'appui des PME. Qu'est-ce qui lui vaut cette place ?
Lors de sa création, l'agence avait un budget de 300 millions F CFA, en 2012, il était de 400 millions F CFA et, en 2022, il était de près de 13 milliards Fcfa. Cette évolution a été possible grâce au chef de l'État, qui veut que le Sénégal dispose d'institutions de référence et grâce au travail de fond réalisé par mon prédécesseur, feu Mabousso Thiam, auquel je rends hommage. À mon arrivée, en 2017, j'ai voulu, à mon tour, engager l'agence dans une logique de haute performance publique pour en faire un modèle africain, à l'instar de la Small Business Administration, aux États-Unis, ou de SME Corp. en Malaisie. Nous nous sommes inscrits dans une démarche d'autoévaluation avec le Bureau Organisation et Méthodes et la coopération luxembourgeoise, ainsi que de benchmarking avec l'International Trade Center qui, en 2019, nous a classés 18ème sur 64 dans le monde, 3ème en Afrique et 1er dans l'espace CEDEAO. Nos efforts nous ont permis d'obtenir une double certification ISO 9001 et ISO 27000.
Qu'est ce qui caractérise votre modèle?
L'évaluation, le suivi et la réévaluation sont à la base de notre action. Le scoring nous permet d'avoir des données fiables sur l'état de santé d'une entreprise. Nous savons où en est l'activité, nous pouvons faire des projections et fournir un accompagnement, aux plans financier, technique ou autre, adapté aux besoins et aux objectifs de l'entrepreneur. En fin de compte, on obtient une structure organisée avec de meilleurs résultats. Dans un environnement où pratiquement 97% des entreprises n'ont pas de comptabilité, au sens du système ouest-africain, il était difficile de les accompagner sans passer par leur formalisation. Nous mettons donc tout en œuvre pour qu'elles sortent de l'informel et pour créer une relation de confiance entre elles et les institutions financières, banques ou fonds de capital-risque, ainsi qu'avec les donneurs d'ordre.
Depuis votre nomination à la tête de l'ADEPME, en 2017, combien de PME l'agence a-t-elle accompagnées et qu'est-ce que cela représente en termes de financement, de création d'emplois, etc. ?
Dans le Plan stratégique de développement pour la période 2016-2020, ce sont près de 30 000 PME qui ont été accompagnées, soit environ 5000 par an. Près de 80 000 emplois ont été maintenus et/ou consolidés. En moyenne, une entreprise sur deux qui nous sollicite pour avoir un financement, l'obtient. Le volume global est à peu près de 20 milliards F CFA. L'ADEPME a également permis de formaliser près de 5000 sociétés, ce qui a entraîné la création de deux emplois, en moyenne, et une amélioration des résultats nets de 350%. Le secteur du numérique, l'agro-alimentaire et l'artisanat de luxe donnent de bons résultats. Les chiffres d'affaires annuels peuvent tourner autour de 60 à 100 millions F CFA.
Quand on parle de business, on évoque souvent les bonnes et les mauvaises pratiques, mais les performances ne sont-elles pas plutôt liées à la connaissance du fonctionnement d'une entreprise ?
l y a un défi d'éducation à la gestion des entreprises. Les entrepreneurs savent acheter et vendre, mais la gestion d'une entreprise, c'est calculer le coût de son produit, c'est planifier davantage, etc. C'est pour cela que le business plan est important, mais il est souvent vu comme étant l'outil nécessaire à la recherche des financements alors qu'il doit être à la base du modèle d'affaires et d'organisation.
Quels sont les profils les plus courants chez les entrepreneurs que vous accompagnez ?
Parmi eux, 40% sont des femmes. Sur certains programmes, il y a en 50% parce que nous allons sur le terrain pour les enrôler et les faire sortir de l'informel. La moyenne d'âge est de 40 ans, mais il n'y a aucune discrimination. C'est surtout lié aux parcours de vie individuels. Les niveaux d'instruction sont variables, mais ne constituent pas un facteur bloquant. Ceux qui n'ont pas fait d'études approfondies comprennent quand on leur explique et embauchent parfois du personnel qualifié pour les aider dans la gestion. Les régions de Dakar, Thiès et Diourbel regroupent pratiquement 60% des entreprises. Parmi celles que nous accompagnons, 50% se trouvent dans la région de Dakar et 50% sont sur le reste du territoire. À ce propos, je précise que l'équité territoriale compte parmi nos préoccupations. Nous avons des bureaux à Kédougou, Matam et Kaolack et nous travaillons en partenariat avec les chambres de commerce et les chambres de métier, à travers le pays.
L'expression "champions nationaux" pour désigner les entreprises qui marchent bien est à la mode, qu'en pensez-vous?
À l'ADEPME, nous voulons surtout être les coachs des futurs champions car, en réalité, nous n'avons pas encore suffisamment de champions nationaux. Un champion national, c'est celui qui maîtrise son marché, va à la conquête de marchés extérieurs et qui est susceptible de résister à la compétition, même avec des entreprises étrangères. Mais, nous avons des graines de futurs champions. Par exemple, Logidoo, Pap's ou Chargel, dans le domaine de la logistique. Dans l'agro-alimentaire, il y a Mamelles Jaboot. Il y a un potentiel incroyable dans les industries créatives ou le numérique. Aissa Dione, Intouch ou encore Neurotech sont des champions. Tout le monde n'a pas vocation à être entrepreneur, mais on a vocation à avoir un tissu entrepreneurial dans lequel on a assez de champions pour construire l'échelle de valeur.
L'exploitation annoncée du pétrole et gaz, offre-t-elle des perspectives intéressantes aux entrepreneurs sénégalais?
Absolument. Le Sénégal, sous la conduite du chef de l'État, a mis en place un cadre quasi unique pour qu'à l'horizon 2030, nous puissions avoir 50% de contenu local. Pour y arriver, les entreprises sénégalaises doivent être plus compétitives dans ces secteurs extrêmement capitalistiques que sont les mines, le pétrole et le gaz. Et c'est possible. À Kédougou, par exemple, dans le secteur minier, nous avons accompagné, avec la Fédération Nationale des Professionnels de l'Habillement, un petit GIE qui fournit désormais des tenues aux normes. Pour le contenu local, lors de notre dernier comité avec le Secrétariat technique au contenu local, nous avons identifié vingt entreprises dans les ressources humaines et la production de différents services connexes à l'exploitation du pétrole et du gaz. L'enjeu, c'est de les renforcer afin qu'elles puissent remporter des marchés et bien les exécuter.
Le Guichet Unique d'Accès au Financement des PME, GUF-PME, a été lancé lors de la 3ème édition du Forum de la PME sénégalaise, organisé par l'ADPME, du 13 au 15 juillet 2023. De quoi s'agit-il précisément ?
Nous avons tenu la 3ème édition avec comme premier défi et thème central le financement massif et sécurisé des PME. Nous voulions apporter des réponses aux problèmes structurels qui compliquent l'accès au financement pour les PME. Au Sénégal, moins de 10% du portefeuille des banques financent les PME, au niveau UEMOA, c'est 14%, au Maroc, 40% et en France, 55 à 60%. Or, sans financement, la croissance est limitée. Le Guichet d'Accès Unique au Financement des PME est une plateforme d'intermédiation, entre différentes catégories d'acteurs, qui permet d'identifier les besoins des entreprises, puis de les orienter vers les institutions financières et les structures d'appui ou d'encadrement adéquates. Le deuxième défi était de valider un programme pour un financement massif et sécurisé des PME. L'objectif est de passer, d'ici à 2028, à 30% de PME financées pour un montant de 3000 milliards F CFA.
L'ADEPME avait également lancé, en septembre 2022, le projet e-PME, quels étaient ses objectifs et, un an plus tard, quel bilan faites-vous ?
Le projet e-PME, mis en œuvre avec l'appui de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement, vise à digitaliser les PME car elles ont un niveau de digitalisation de leurs principales fonctions qui est trop faible. Or, nous constatons, que la digitalisation sert la compétitivité et la croissance. Sur 4 ans, il était prévu d'accompagner 5000 entreprises mais nous en avons déjà plus de 3500. À la fin de 2023, notre objectif sera atteint à 90%.
En novembre 2023, l'ADEPME a participé à l'IATF, Intra-African Trade Fair, en Egypte, puis à l'Expo Horticole Internationale de Doha (Qatar). La promotion à l'internationale de nos entreprises fait-elle partie de vos nouvelles orientations?
Notre orientation nouvelle, affichée et assumée, consiste à accompagner l'entreprise pour qu'elle grandisse. Pour grandir, il faut mettre les entrepreneurs en relation avec les différents marchés, à l'internationale, en général, et en Afrique, en particulier. La Zone de libre-échange continentale, la Zlecaf, va s'ouvrir, il va falloir en saisir les opportunités. Actuellement, l'Afrique a un commerce intra-africain très faible, autour de 14%. En Europe, c'est près de 30%. Nous voulons être un modèle africain d'accompagnement, pas uniquement un modèle sénégalais. Donc rencontrer le MSMEDA, notre homologue égyptien, ou encore Afreximbank, qui accompagne les entreprises à l'export, ainsi que d'autres participants, est avantageux pour tous. 80 entreprises sénégalaises seront présentes.
En 2024, l'ADEPME, entamera une nouvelle phase de cinq ans, quelles en sont les grandes lignes?
Pour permettre au dispositif national d'être encore plus performant, nous devons poursuivre sur notre lancée. Si nous mobilisons les ressources, nous donnerons une chance aux entreprises, où qu'elles soient au Sénégal, d'accéder à des financements et de grandir. Notre démarche qualité et la digitalisation des PME resteront au cœur de notre action, en relation avec le nouveau gouvernement, notamment le ministère du Commerce, de la Consommation et des PME et celui de l'Économie, du Plan et de la Coopération. Dans la 3ème phase du PSE, couvrant la période 2024-2028, le secteur privé joue un rôle essentiel. Qui dit secteur privé, dit 99,8% de petites et moyennes entreprises. Par conséquent, notre politique de Small Business Act sénégalais, voire africain, se poursuivra.
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