Yobante Express
Temps de lecture : 17 minutes

Rédigé par La rédaction / 03 Fév 2025 à 18:11
Afrofeeling: Comment a démarré l’aventure de Yobante Express ?
Oumar Basse :Yobante Express est venu du constat qu’il n’existait pas de solution abordable et structurée, pour répondre aux problèmes liés à la livraison de marchandises dans les régions du Sénégal. J’avais été confronté à cette problématique dans le cadre ma première start-up, Nano Air, et j’avais commencé à réfléchir à des solutions possibles. De son côté, Badra Badji, le co-fondateur de Yobante Express, avait vécu une expérience compliquée alors qu’il devait récupérer, à Dakar, un colis envoyé par sa cousine de Thiès. Depuis lors, il cherchait un partenaire susceptible de développer une solution pour répondre à ce problème logistique. En 2017, nous nous sommes rencontrés et nous avons commencé à élaborer le modèle, le concept, la culture et la mission de ce qui deviendra Yobante Express.
Comment les choses se sont-elles mises en place ?
Nous avons lancé notre version bêta et effectué notre première livraison au Sénégal le 15 novembre 2018. Yobante Express devient alors la première société de logistique en Afrique à exploiter cette ancienne forme d’expédition par des transporteurs indépendants et occasionnels, en se reposant sur une plateforme technologique innovante. Une fois que le modèle était validé, notre objectif a été de le développer le plus rapidement possible dans d’autres pays.
Quelles sont les innovations technologiques qui vous permettent d’optimiser vos services ?
Yobante Express exploite la puissance de l'intelligence artificielle, en particulier le machine learning, pour optimiser les trajets, automatiser le dispatching et réaliser des livraisons de point à point, avec une garantie de livraison appelée YESCOVER. Cette garantie rembourse intégralement les coûts liés aux dommages et aux pertes de colis.
L’avantage de Yobante Express réside dans son réseau d'agents et son modèle reposant sur des opérateurs existants, tels que les transporteurs indépendants et les points relais. Toute personne possédant un lieu physique, un commerce, un camion, un véhicule ou toute personne voyageant dans la direction générale du colis, peut gagner de l’argent, en faisant partie du réseau Yobante Express. Grâce à cette approche, nous pouvons garantir des livraisons deux fois plus rapides et jusqu’à 40% moins chères.
En 2021, vous avez levé 1,6 million de dollars. Comment s’est passé le processus de recherche d’investisseurs ?
Nous avons réussi à lever 1,6 million de dollars lors de notre Seed Round, en comptant sur la participation d'investisseurs internationaux en plus de quelques investisseurs locaux au Sénégal. Aujourd'hui, cet effort nous a propulsés dans plus de 24 pays et nous sommes en train de boucler un plus gros tour de table de séries A, afin de consolider notre expansion et notre développement.
N’oublions pas que nous existons depuis cinq ans. Ce parcours représente un travail colossal de la part de nos équipes, rivalisant avec des entités en activité depuis plus de 10 ans. Dans ce temps, nous avons créé un écosystème où chaque valeur générée par Yobante Express est partagée entre le réseau de transporteurs, le réseau d'agents et nos clients, qu'ils soient des entreprises ou des particuliers.
Vous êtes présents dans 11 pays africains et des partenariats se mettent en place pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Quelle est votre vision pour l’expansion de Yobante Express ?
Nous sommes fiers d'être la première entreprise d'Afrique francophone à avoir réussi à étendre significativement nos activités sur des marchés aussi complexes que les marchés anglophones. Nous avons su surmonter les barrières linguistiques, tirer des enseignements et capitaliser sur cette expérience. Aujourd'hui, nous avons établi des corridors logistiques réussis en Afrique de l’Ouest. Ensuite, nous avons étendu notre empreinte logistique à l'Afrique australe. La prochaine étape naturelle était d'établir des liens avec des partenaires couvrant la zone de l'Afrique du Nord. Nous aspirons à devenir la plateforme leader en technologie logistique dans les pays émergents ou Sud global, démontrant ainsi la réplicabilité de notre modèle de livraison. Notre vision inclut également la connexion de l'Afrique avec la diaspora africaine, grâce à l'envoi de colis vers cinq destinations européennes. Nous souhaitons établir des connexions entre l'Afrique subsaharienne, l'Afrique du Nord, l'Europe et le Moyen-Orient, et démontrer que le modèle Yobante est reproductible, même en dehors de l'Afrique. C'est pourquoi nous prévoyons bientôt de lancer un pilote en Asie du Sud-Est, à travers le Vietnam, en collaboration avec des partenaires locaux, afin de suivre des chaînes d'approvisionnement dans des secteurs tels que le textile et autres, établissant ainsi un pont avec les autres pays de la région.
Quels sont les grands défis auxquels vous avez dû faire face depuis 5 ans, avec Yobante Express ?
À la création de Yobante Express, nous avons d’abord dû relever le défi de l’accès aux données du marché. Selon l’Organisation mondiale du travail, au Sénégal, 9 travailleurs sur 10 occupent un emploi informel et 97% des entreprises sont dans le secteur informel. Notre équipe a financé et réalisé une enquête statistique sérieuse, afin d’estimer la taille de notre marché et d’avoir plus de données, pour mieux découvrir notre cible.
Au début, il était aussi difficile de dénicher des professionnels avec les compétences techniques nécessaires pour accompagner notre développement. Nous avons surmonté cette difficulté en investissant dans de jeunes ingénieurs diplômés de l’Université de Dakar, qui ont débuté avec moi dans ma première start-up, Nano Air, et qui sont encore aujourd’hui des membres essentiels de l'équipe Yobante Express. En tant que start-up, nous avons rapidement dû prendre des décisions cruciales, notamment déterminer si nous souhaitions simplement conserver notre statut de start-up ou accélérer notre croissance. Il est possible de rester une PME/PMI pendant toute la vie de l’entreprise et pouvoir compter sur ses revenus actuels. Nous avons choisi une approche start-up pour continuer à grandir, ce qui nécessite des investissements importants et une confiance accrue des investisseurs.
« Il est temps d’affirmer notre identité, de valoriser nos atouts, et de façonner notre propre avenir avec confiance et détermination. »
L’écosystème sénégalais est-il favorable pour le développement des entreprises ?
L'association SenStartUp, parmi d'autres organisations, accomplit un travail exceptionnel, tout comme le gouvernement et la DER/FJ, qui soutiennent activement les Start-ups. Cependant, il est crucial de puiser de l’inspiration auprès des champions locaux, ces entrepreneurs qui ont non seulement connu le succès mais qui ont également choisi de rester dans leur pays pour continuer à contribuer à son développement. L'État offre un cadre propice à tous, mais il est également conscient de ses limites en matière de création d'emplois pour tous. Un investissement substantiel dans le secteur privé s'avère indispensable pour favoriser une croissance continue et significative. En fin de compte, l'union des forces entre les acteurs publics et privés est la clé pour stimuler l'essor économique durable du pays.
D’après votre expérience, le continent africain est-il vraiment la nouvelle terre d’opportunités dont on parle ?
Fréquemment, j'entends l'affirmation selon laquelle l'Afrique est le continent de l'avenir. Cependant, je n'adhère pas à cette idée, car elle semble suggérer que l'avenir est quelque chose qui nous attend. À mes yeux, l'Afrique est déjà dans le présent, et c'est dans cette réalité actuelle que réside sa puissance. Avec la population la plus jeune du monde, nous possédons une valeur inestimable. La clé de notre succès réside dans la création de valeur, le développement de notre vision intrinsèque et la résolution de nos problèmes, sans simplement reproduire des modèles étrangers. Adopter une approche bottom-up nous permet de proposer des solutions adaptées, ancrées dans notre réalité et répondant aux besoins spécifiques de nos communautés. Il est temps d’affirmer notre identité, de valoriser nos atouts et de façonner notre propre avenir avec confiance et détermination.
Chaque jour, des milliers de jeunes préfèrent prendre des pirogues plutôt que d’entreprendre au Sénégal. Que faudrait-il faire pour que ça change ?
Ils quittent leur terre natale, convaincus que l'herbe est plus verte ailleurs. Bien que des entrepreneurs prospères soient présents sur place, prêts à servir d'exemples inspirants, le succès demeure souvent entouré d'un voile de mystère. La réussite est parfois perçue comme inatteignable et il est essentiel de démystifier cette notion. La peur de l'échec constitue également un frein psychologique majeur. En illuminant le chemin vers le succès, nous pouvons encourager les jeunes à envisager des possibilités fructueuses sur leur propre terre, participant ainsi à l'épanouissement de leur communauté.
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